Le Vieux Moulin
Il eut beau pleurer des jours et des nuits, des semaines et des mois, la rivière se remplissait de pierres et de feuilles.
– Que vais-je devenir ? Un souvenir du temps jadis ? Déjà que les hommes ne m'amènent plus de blé... je risque alors de tomber en ruine...
Ce fut la contorsion du moulin. Il regarda le ciel. C'était la nuit et ce fut la première fois qu'il voyait la voie lactée, la lune et les étoiles.
– Que c'est beau, se disait-il. J'aimerais bien visiter les étoiles de la voûte céleste. Mais comment faire ? Je suis bien trop attaché à la terre.
Il pleura à nouveau sur la malchance d'être si bien ancré au sol.
Et puis un jour se posa sur une poutre, un hibou. Le moulin, curieux de l'entendre, la nuit, voler et roupiller, le jour, lui demanda :
– Comment faire pour voler comme toi ?
Le hibou réfléchit longuement. Il n'en trouvait plus le sommeil et en perdit l’appétit.
Les souris en furent ravies !
Pourtant, alors qu'il était déplumé, efflanqué, dans son dernier souffle, lui répondit :
– Que mes plumes t'aident dans ton rêve.
Le hibou mourut laissant en héritage son plumage. Les plumes volèrent et vinrent se figer sur le toit du moulin qui se sentait, tout à coup, très léger.
Et quand le vent s'engouffra dans le plumage, les pieds du moulin se soulevèrent.
Le moulin... lui, il se sentait tout chose, tout heureux de quitter la terre dure quand tout à coup...
Vrrrr....
Les pieds avaient quitté la terre et le moulin volait dans le ciel. Il regarda à gauche, il regarda à droite.
Le vieux moulin continua son ascension et rencontra un vol de gerfauts :
– Il commence à faire froid là-haut. Je serais d'avis de te prendre quelques planches pour faire un bon feu.
Mais le moulin filait très vite, maintenant, vers les étoiles.
Il arriva là où personne n'avait jamais été. Autour de lui, le noir de l'espace et le blanc laiteux de la voie lactée.
Un souffle de vent lui parvint :
– Tu vas moudre des étoiles qui iront fleurir le jardin de la voûte céleste, au-delà de l'espace. – Il me faut une rivière qui fasse tourner une roue. – N'aie crainte. Pose-toi sur la voûte céleste.
Le vieux moulin se posa sur la voie lactée. Il voyait d'un côté, la lune, de l'autre, le soleil. La lumière dorée se mêlait à celle argentée.
Et la roue chanta une sérénade à l'oreille de la lune. Et le Pierrot se balançait sur le croissant. Et la roue chanta aux oreilles du soleil.
Entraient maintenant les pierres sidérales, les fusées abandonnées, les ballons-sonde... et le moulin moulut de la poussière d'étoile.
@ Krystin Vesterälen – 10 septembre 2015